L’immuable mythe d’Icare, une renaissance artistique

Icare au TNM _photographe Yves Renaud_YRC6407Intemporel et expérimental, ce sont certainement les deux adjectifs que l’on peut donner à la création « Icare » que le TNM nous présente du 14 janvier au 8 février 2014. La pièce qui réunit des artistes talentueux est innovante aussi bien dans la relecture du récit que dans sa forme.

Le texte sublime d’Olivier Keimed transpose le mythe d’Icare et l’adapte aux contingences d’une société actuelle. L’auteur érudit nous étonne à nouveau. Ici nous suivons les tergiversations de Dédale (joué par Robert Lalonde), qui, réfugié au milieu de la forêt après la mort de son fils, le fougueux Icare interprété par Renaud Lacelle-Bourdon, retrace dans son esprit son histoire et se questionne. Il est toujours architecte et réexplore la relation avec son fils qui est en effet tissée de méprises et de malentendus. Deux être qui s’adorent et qui pourtant peinent à se comprendre et à s’apprécier. Chacun vivant dans son monde de representations, produisant pour l’autre des gestes inadaptés et se sentant incompris. Tandis que l’un ne transmet pas ce qu’il souhaite, l’autre tente de fuire le poids du regard, des secrets et des tragédies familiales pour mieux se construire.

C’est avec ce récit contemporain que l’on traverse les valeurs, les espoirs et les ambitions de deux générations qui ne se comprennent pas, s’étouffent, s’opposent malgré un amour manifeste. BreIcare au TNM_photographe Yves Renaud_YRC6763f, on explore le sujet immuable des relations père fils.

On salue Robert Lalonde et Renaud Lacelle-Bourdon qui se lancent sur scène dans un véritable défi. La mise en scène trouble les perceptions du spectateur. Aussi enthousiasmante qu’incongrue au théâtre. Michel Lemieux et Victor Pilon projettent le spectateur dans  une expérience inhabituelle où les acteurs côtoient les hologrammes et évoluent sur scène entre décors réels et irréels, où les effets spéciaux donne une nouvelle expression aux sentiments et les pensées des personnages. On retrouve même en écho au mythe grecque, la présence de la mezzo-soprano Noëlle Huet qui interprète de très beaux chants dans la langue antique.

Icare au TNM_photographe Yves Renaud_YRC7120Michel Lemieux et Victor Pilon, les metteurs en scène aiment à mixer, détourner et revisiter les genres et à fausser les repères. On repousse les frontières entre cinéma, théâtre, danse, musique et multimédia. On peut qualifier de performance ce genre nouveau qui influe sur le jeu de l’acteur de théâtre et propose une expérience marquante. Le travail du duo avait déjà été aprécié dans la mise en scène de « La tempête » et « La belle et la bête ». Icare est une belle célébration pour le trentième anniversaire de leur compagnie.

Le théâtre avait déjà vu de nombreuses adaptations dans le jeu des acteurs ou les performances scéniques mais cette pratique qui chevauche les disciplines apporte encore une pierre nouvelle car elle transforme radicalement les usages et touche les fondements des amoureux du théâtre. Qu’on l’apprécie ou non, cette mise en scène et l’expérience crée pour le spectateur constituent un intérêt en soit pour aller voir la pièce. Elle ouvre le champ des possibles en vers une autre dimension de l’adaptation théâtrale avec un complément sensoriel significatif.

Théâtre du nouveau Monde de Montréal du 14 janvier au 8 février 2014.Coproduction Lemieux Pilon 4d Art / Théâtre du Nouveau Monde/ Espace Jean Legendre – Théâtre de Compiègne (Scène nationale de l’Oise en préfiguration)

Informations : http://www.tnm.qc.ca/saison-2013-2014/Icare/Icare.html

Crédit photographe : Yves Renaud