La petite scène, ce concept créé dans les années 90 à Toronto, puis développé à Vancouver, a été de retour au Cercle, le 10 juin. Pour une deuxième fois, Le Cercle – Lab vivant et La Rotonde se sont réuni afin d’offrir aux amateurs de la danse contemporaine et des approches chorégraphiques qui sortent de l’ordinaire un bijou de spectacle intimiste, présenté par les interprètes hors commun d’ici et d’ailleurs.
Le thème de cette deuxième soirée s’articulait autour du concept large de premières nations. Car ce terme, au-delà de sa signification démographique, sociétale, est également un puissant symbole culturel, identitaire : chacun de nous porte en soi sa « première nation », son appartenance à un lieu, à une communauté, à un peuple. Or, cet enracinement aux origines n’est pas rigide, statique, immuable. Ils s’ouvre à de multiples influences d’autres cultures, d’autres « premières nations ». Il s’offre à d’autres enracinements.
Si le concept de premières nations invite à la pluralité, l’expression artistique n’en fait pas moins. Les mots, les chants, le son du tambour ou celui d’une voix chargée d’émotion apportent cette diversité créatrice d’un espace captivant autour du mouvement, de la danse.
La voix est puissante de la poétesse, comédienne et slammeuse innue, Natasha Kanapé Fontaine qui, accompagnée de battements du tambour, a récité ses vers évoquant l’image de la Terre-nourricière, la douleur des peuples autochtones, leur fierté, leur désir de se faire entendre mais aussi leur espoir, et au dessus de tout, l’amour. L’amour d’une femme, l’amour comme sentiment universel entre et envers les êtres humains. Sa poésie a été à l’image des chorégraphies présentées, parfois tendre, souvent ferme, toujours passionnée, jamais indifférente.
Car les chorégraphes de huit pièces ont offert aux spectateurs admiratifs de leur art toute une gamme d’émotions exprimés par la danse. La féminité de mouvements de Geneviève Duong dansant sur le fond du récit multidisciplinaire Larmes, cycle d’une femme racine de la poétesse-slammeuse Mélanie Rivet contrastait avec la présentation, dont certains gestes évoquaient les arts martiaux, de Mark Sawh Medrano (chorégraphe Roger Sinha). Ariane Voineau a exploré pour sa création Mona les possibilités technologiques d’un montage vidéo. Loin de ma mer de la chorégraphe Emmanuelle Calvé (interprètes Emanuelle Calvé, Annie Gagnon) a apporté une note souriante après l’ambiance tragique mais d’une grande vulnérabilité de Unrelated de Daina Ashbee interprété avec maîtrise par Areli Moran, artiste d’origine mexicaine vivant à Montréal. Linda Kapetanea et Jozef Frucek, de la RootlessRoot Company (Grèce), ont posé, dès le début de leur présentation Eyes in the colours of the rain la question inévitable face à la destruction et à la violence : est-ce que tout ce qu’on touche doit se détruire? doit mener à la catastrophe? à la violence?
La soirée s’est achevée avec la pièce Yahndawa (Rivière), chantée, chorégraphiée et interprétée par Harold Rhéaume et Andrée Lévesque, une présentation émouvante, puissante, qui a rendu hommage à toutes les premières nations, quels que soient leurs origines et leur enracinement.
Prochaine édition de La petite scène, octobre 2014 : L’inquiétante étrangeté
© photos : Venceslava Jarotkova