« Dance me » : les Ballets Jazz de Montréal et Leonard Cohen dans le cadre des festivités du 375e

Danse me © Thierry du Bois / Cosmos Image
Danse me © Thierry du Bois / Cosmos Image

Dance me… quel meilleur titre pour un ballet de danse contemporaine présenté par les Ballets Jazz de Montréal ! Trois chorégraphes internationaux (Andonis Foniadakis, Annabelle Lopez Ochoa et Ihsan Rustem), quatorze danseurs extraordinaires, une mise en scène superbe d’Éric Jean avec des éclairages magnifiques, des vidéos émouvantes et milles effets spectaculaires… le tout sur la merveilleuse musique de Leonard Cohen, soit une vingtaine de chansons dont deux interprétées en live par des artistes excellents, cela ne peut que produire un spectacle plein d’élan, de joie, de grandeur, de beauté et bien sûr de nostalgie en l’absence du grand poète.

Leonard Cohen : il semble bien là, et même hanter tout le spectacle. Sans jamais montrer son visage, sa silhouette reconnaissable à son élégance sobre, imperméable et chapeau sur la tête, traverse la scène comme pour rappeler sa présence éternelle, son génie dans l’écriture de ses textes autant que dans celle de ses mélodies et de ses arrangements musicaux. Son œuvre se prête parfaitement à la danse. Tous ses admirateurs le savent. Mais c’est encore plus vrai quand des artistes de la qualité de ceux des Ballets Jazz de Montréal font montre de leur talent pour danser en mêlant danse classique et danses de rue, coordinations parfaites et acrobaties.  Leurs costumes de scène s’harmonisent avec le choix des couleurs sobres qui se fait voir d’un bout à l’autre du spectacle. Pantalons noirs, vestes et chapeaux de Leonard. Parfois les danseuses sont en robes blanches. Au début, l’harmonie des couleurs se limite au noir et blanc avec une minuscule touche colorée par la robe d’une danseuse, identique à la couleur de ses cheveux. Les décors sont variés, les éclairages aussi et plongent la scène dans une obscurité d’où émergent seulement quelques détails très contrastés ou la submergent de lumière. Ainsi, les quatre saisons semblent être représentées avec lumière du soleil aveuglant, orages et pluies, lumière rasante par l’ouverture d’une fenêtre, et bien sûr neige qui tombe, peut-être sur Montréal auquel Leonard Cohen est indissociablement rattaché.

Chacune des chansons est bien choisie, de Suzanne à You Want It Darker en passant par Lover Lover Lover, Everybody knows ou A Thousand Kisses Deep et bien sûr Hallelujah. Les chorégraphies s’accordent avec la musique et les textes. First We Take Manhattan se termine par une sorte de bataille dansée à coup de barres qui servent aux chorégraphies. Dance me est un pur ravissement avec des vidéos splendides de corps immenses qui tombent du ciel au ralenti, peut-être dans un océan d’amour, et servent de décor aux danses gracieuses des artistes. Les chansons dansées s’enchainent avec des intermèdes savamment aménagés et joliment chorégraphiés eux aussi. La poésie de Leonard Cohen n’est pas oubliée non plus. Un morceau s’accompagne d’une sorte de concert de machines à écrire et de ballet de jambes à la fois poétique et drôle. Des lettres de l’alphabet s’envolent dans le ciel pendant que le poète est assis à sa table de travail.

Danse me © Thierry du Bois / Cosmos Image
Danse me © Thierry du Bois / Cosmos Image

Toute une mise en scène inventive et très élaborée fait de cette œuvre complexe et variée un régal pour les yeux et un bonheur pour l’écoute. On sort de ce spectacle de danse extrêmement réussi avec à la fois le vague à l’âme qui découle de la perte du grand génie qu’est Leonard Cohen, mais plein de joie et de reconnaissance de l’avoir connu de son vivant et de pouvoir profiter de son art même après sa disparition.

Le ballet fut conçu alors que Leonard Cohen était encore en vie. Quand Louis Robitaille, directeur des BJM, réfléchit à un spectacle dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal, l’association d’un ballet avec la musique Leonard Cohen lui vint immédiatement, et on le comprend. Le résultat est magnifique et aurait assurément satisfait Leonard Cohen. Le public à la fin du spectacle était enthousiasme et remerciait sans doute l’équipe de réalisation des BJM d’avoir si bien rendu hommage par la danse et les tableaux visuels à l’artiste poète et musicien auquel il est si attaché.

 

Dance me, du 5 au 9 décembre 2017, au théâtre Maisonneuve de la Place des Arts à Montréal

Idéation Louis Robitaille.
Dramaturgie et mise en scène Eric Jean.
Chorégraphies Andonis Foniadakis, Annabelle Lopez Ochoa, Ihsan Rustem.
Direction musicale Martin Léon.
Décor et accessoires Pierre-Étienne Locas.
Conception et réalisation lumières Cédric Delorme-Bouchard.
Conception vidéo Hub Studio – Gonzalo Soldi et Thomas Payette.
Conception des costumes Philippe Dubuc.
Réalisation des costumes Anne-Marie Veevaete.
Première mondiale 5 décembre 2017, Montréal, Danse Danse.

Informations : http://www.dansedanse.ca/fr/media