Amadeus au Trident, une production grandiose, une mise en scène audacieuse et moderne! Jacques Leblanc y est magistral!

Jacques Leblanc, magistral Photo : Stéphane Bourgeois

C’était soir de première, le 26 avril dernier, à la salle Octave-Crémazie du Grand théâtre de Québec, pour acclamer la toute nouvelle production du théâtre du Trident, Amadeus. Avec Alexandre Fecteau à la mise en scène, on ne pouvait s’attendre qu’à une production audacieuse et grandiose, à la hauteur du talent de la musique du grand Mozart. Le résultat final, je dois l’avouer est même au-delà de mes attentes.

Synopsis :Nous sommes à Vienne, le compositeur Salieri jouit de la faveur de l’Empereur. Mais un jeune prodige insolent du nom de Wolfgang Amadeus Mozart parcourt l’Europe et fait irruption à la cour. Précédé d’une flatteuse réputation, Mozart est en voie de devenir le plus grand compositeur du siècle. Face à un tel talent, Antonio Salieri devient dévoré par la jalousie. Qu’une musique aussi belle puisse émaner d’un être aussi vulgaire lui apparaît comme l’un des tours les plus cruels de Dieu. Comprenant la menace que représente le jeune Mozart, il tente de l’évincer tout en essayant de décortiquer son génie exceptionnel. Amadeus demeure une pièce forte en émotion, drôle, cruelle, haletante, qui parle d’indulgence, de jalousie, et nous montre à quel point l’être humain est capable du meilleur comme du pire.  Une oeuvre mythique à l’image du compositeur qui l’a inspirée.

Créée en 1979, la pièce du dramaturge anglais Peter Shaffer a inspiré le film de Milos Forman, qui a remporté huit Oscars, dont celui de meilleur film en 1985. Pour avoir vu le film des dizaines de fois, je dois dire que j’avais hâte de voir comment Alexandre Fecteau allait reprendre ce film-culte pour en faire une production théâtrale québécoise. Et surtout, j’avais en tête les deux performances d’acteurs qui ont interprété Mozart et Salieri.

Photo : Stéphane Bourgeois

Alors là, chapeau à Alexandre Fecteau, à Jacques Leblanc et à Pierre-Olivier Grondin pour leur tour de force de me faire oublier le film et de me transporter dans leur univers et leur version de cette pièce, tellement grandiose et moderne, que le temps semble s’être arrêté pour nous faire vivre une soirée inoubliable.

Alexandre Fecteau a fait le choix audacieux de situer ce drame viennois dans les années 80, à l’époque des épaulettes, des cheveux crêpés, des baladeurs, et des premiers ordinateurs. Même que la pièce débute aujourd’hui, à l’ère où la technologie des cellulaires bat son plein.  On retrouve Salieri à la veille de sa mort, alors qu’il nous raconte à nous, public,  ses fantômes du futur, comment il a tué Mozart et repart avec nous dans les années 80 pour nous décrire les moments marquants de sa vie, celle de Mozart et leur rencontre, ainsi que leur rivalité. C’est avec humour et extravagance qu’il nous raconte ses rencontres avec Mozart, qu’il nous fait complices de ses réflexions.

Photo : Stéphane Bourgeois

Jacques Leblanc est fantastique, magistral et plus grand que nature, dans son personnage de Salieri qu’il incarne du début à la fin de cette pièce de plus de 3 heures. Amoureux et passionné de musique, cet italien gourmand est fasciné par le génie de Mozart et est à la fois envieux de son talent. Lui qui croyait que Dieu lui avait donné comme mission de le servir par sa musique presque divine, en vient à détester son Dieu qui a donné encore plus de talent à ce type vulgaire et enfantin qu’est Amadeus.

Il y a des moments sublimes dans cette pièce et certaines d’entre elles, pour moi, sont celles où Salieri écoute la musique de Mozart et qu’il explique et décortique chaque note avec précision pour nous exprimer toute la jouissance et les frissons que sa musique crée en lui. On le sent complètement bouleversé par autant de beauté si pure.

La flute enchantée Photo : Stéphane Bourgeois

Naturellement, un spectacle aussi grandiose sur la rivalité entre Mozart et Salieri ne serait pas aussi sublime sans la superbe prestation des chanteurs et musiciens sur scène. Parfois placés en retrait, pour agrémenter le propos, avec la musique en sourdine, mais plus souvent mis de l’avant dans une présentation d’une portion d’un opéra, ces musiciens et chanteurs viennent ajouter à notre plaisir divin en jumelant musique et théâtre. Cette musique est le travail exceptionnel et sublime d’un quatuor à cordes, ainsi que la pianiste Anne-Marie Bernard et quatre chanteurs, Keven Geddes, Jonathan Bédard, Roxanne Bédard et Marie-Andrée Mathieu. Mes moments préférés en musique sont assurément les quelques minutes du Requiem qu’ils ont présenté, et la sublime Roxanne Bédard, qui tel un rossignol, nous pousse la note claire dans la Flûte enchantée! WOW!

Mary-Lee Picknell et Pierre-Olivier Grondin Photo : Stéphane Bourgeois

Il y a aussi Pierre-Olivier Grondin, qui m’a vraiment impressionné dans son interprétation de Mozart, cet être excentrique, enfantin et vulgaire, qui, on le sait, cache son malaise par des blagues déplacées et un rire très particulier. Il est fidèle à l’image que j’avais d’Amadeus et il nous fait rire à souhait, sans jouer les cabotins.

Il faut le dire, cette pièce est extrêmement drôle. Jacques Leblanc est aussi en grande partie responsable de ces rires, par ses propos qu’il tient avec le public, mais il y a aussi les différents accessoires de l’époque, qu’on nous présente et le décor très moderne et agencé aux costumes qui nous sont présentés, qui nous font parfois éclater de rire.

Le trio en noir!
Photo : Stéphane Bourgeois

J’adore également les deux trios de personnages qui sont à la fois rigolos et qui se complètent autant par leurs costumes, que par leurs agissements. Tout d’abord, Lucien Ratio, Israël Gamache et Véronika Makdissi-Warren, tous de noirs vêtus sont les yeux et les oreilles de Salieri pour lui rendre compte des faits et gestes d’Amadeus. Ils sont drôles à souhait, avec leurs dialogues mélodieux, alors qu’ils parlent en alternance, complétant l’idée de l’un et de l’autre. Il y a aussi l’autre trio, plus hautain, presque austère, qui eux, tous de gris vêtus, forment la chasse gardée de l’Empereur et jugent le travail de Mozart. Marie Gignac, méconnaissable, Nancy Bernier et Bertand Alain incarnent ce trio.

Finalement, je dois parler un peu du décor et de la mise en scène. Je trouve cela ingénieux la manière dont le décor se dévoile, s’articule, se promène, au gré des plates-formes qui se déplacent. Et le tout est présenté avec beaucoup de goût, d’élégance avec des couleurs de noirs et de blancs presqu’exclusivement, qui s’agencent bien avec les costumes également. Et sur les panneaux coulissants, on retrouve les mots Mozart et Salieri écrits en lettres attachés. C’est vraiment très symétrique et cela donne un petit côté moderne que j’apprécie particulièrement.

Salut final avec toutes l’équipe, photo : Lise Breton

Bien que ce soit une pièce de plus de 3 heures, j’aurais pris, personnellement, un peu plus de musique, j’aurais voulu que soient allongés certains moments des noces de Figaro, ou L’enlèvement au sérail.

La durée du spectacle est de 3h15 incluant l’entracte

La pièce a été créée le 2 novembre 1979 au National Theatre de Londres, elle fut ensuite produite à New York au Broadhurst Theatre le 11 décembre 1980.

Cette pièce a remporté le Tony Award du meilleur texte (1981), ainsi que l’Evening Standard Drama Award et le Theatre Critics Award.

Les billets sont en vente à la billetterie du Grand Théâtre de Québec (418 643-8131) et sur tout le réseau Billetech.

DU 24 AVRIL AU 19 MAI 2018

DE PETER SHAFFER

TRADUCTION : POL QUENTIN

MISE EN SCÈNE : ALEXANDRE FECTEAU

BERTRAND ALAIN Rosenberg

RACHEL BAILLARGEON Violoncelle

JONATHAN BÉDARD Majordomme, baryton

ROXANNE BÉDARD Katerine Cavalieri, soprano

ANNE-MARIE BERNARD Piano

NANCY BERNIER Strack

ISRAËL GAMACHE Venticello, Galant, Bonno

KEVEN GEDDES Barbier, ténor

MARIE GIGNAC Van Swieten

PIERRE-OLIVIER GRONDIN Mozart

KARINA LALIBERTÉ Alto

JACQUES LEBLANC Salieri

VÉRONIKA MAKDISSI-WARREN Venticello, Teresa Salieri

JEAN-MICHEL MAROIS Violon

MARIE-ANDRÉE MATHIEU Cuisinière, mezzo-soprano

MARY-LEE PICKNELL Constanze

LUCIEN RATIO Venticello, Galant

ALEXANDRE SAUVIAIRE Violon

RÉJEAN VALLÉE Empereur Joseph II

 

ÉQUIPE DE CONCEPTION

Texte PETER SHAFFER

Traduction POL QUENTIN

Mise en scène ALEXANDRE FECTEAU

Direction musicale ANNE-MARIE BERNARD

Scénographie MICHEL GAUTHIER

Éclairages JEAN-FRANÇOIS LABBÉ

Costumes KATE LECOURS

Maquillages ÉLÈNE PEARSON

Assistance à la mise en scène ELIZABETH CORDEAU RANCOURT

Arrangements : JEAN-FRANÇOIS GAGNÉ

http://www.letrident.com/

Crédit photos : Lise Breton et courtoisie du Théâtre du Trident