La place de la peinture minimaliste dans l’histoire de l’art

La place de la peinture minimaliste dans l’histoire de l’art

Lorsque l’on consulte le dictionnaire des synonymes, on apprend que le terme moderne est l’équivalent d’actuel, de récent. Le même dictionnaire nous informe également que contemporain pourrait lui aussi être remplacé par actuel, ou récent. Cet amalgame sémantique peut logiquement entraîner une confusion entre art moderne et art contemporain. Comment différencier ces deux courants artistiques, pourtant bien distincts ?

Une peinture minimaliste est communément qualifiée de moderne, pour autant, fait-elle partie du mouvement du même nom ? De quoi en effet s’emmêler les pinceaux !

Comment différencier l’art moderne de l’art contemporain
Historiquement, l’art contemporain succède à l’art moderne. Les deux courants ont ceci de commun qu’ils brillent par la richesse des médiums utilisés pour s’exprimer (dessin, sculpture, cinéma, photographie, architecture, décoration d’intérieur). L’art contemporain, cependant, n’hésite pas à aller encore au-delà en brisant les codes artistiques, pour devenir performance, souvent reflet d’une société en crise.

L’art moderne, rupture avec le classicisme
Le modernisme naît au milieu du XIXe siècle pour s’étendre jusqu’au milieu des années 40. Véritable rupture avec l’art classique et sa forme figurative, on y retrouve des courants très différents, tous dictés par un certain goût pour la provocation :

• le fauvisme aux couleurs primaires dominantes, brutes et incandescentes (les Femmes de Tahiti, de Paul Gauguin) ;

• le cubisme et sa réalité simplifiée, illustrée par des formes géométriques (Georges Braque) ; • l’art nouveau, utilisé dans les arts décoratifs et caractérisé par une prolifération de sujets symboliques ;

• l’expressionnisme ou l’angoisse d’une société qui entre en guerre (Le cri, Edvard Munch) • le surréalisme, art absurde et onirique dont Dali est le principal représentant ;

• le dadaïsme de Marcel Duchamp, précurseur de l’art contemporain avec son Urinoir ;

• la peinture abstraite, enfin, qui annonce l’avènement de l’art minimal. Tous participent à un désir d’évoluer hors des carcans classiques de la représentation artistique, jusqu’à déclencher parfois scandales et polémiques.

L’art contemporain, art plastique par excellence
L’art contemporain désigne l’ensemble des œuvres produites depuis 1945 à nos jours, tous styles et disciplines artistiques confondus. Ce n’est plus l’œuvre en elle-même qui définit l’art, mais sa conception et les réactions qu’elle suscite. On assiste alors à l’apparition de nouveaux supports d’expression et à un éclatement des frontières disciplinaires. L’art devient éphémère, évolutif, parfois vulgaire, souvent troublant, à l’image de certaines performances (Messe pour un corps, Michel Journiac en 1969).

La peinture minimaliste, héritière de l’art moderne
Au début des années 60 aux États Unis, deux courants majeurs envahissent les galeries d’art : l’expressionnisme abstrait de Jackson Pollock et le pop art figuratif et ironique d’Andy Warhol. Un déluge lyrique de couleurs et l’expression d’un égo démesuré, auxquels la peinture minimaliste vient s’opposer dès 1965.

Origine du minimalisme
Le terme art minimal fait son apparition en janvier 1965 dans la revue Arts Magazine, sous la plume du philosophe Richard Wollheim. Héritière de l’art moderne, la peinture minimaliste trouve son origine chez des peintres tels que Kandinsky et Mondrian, célèbres pour leurs toiles abstraites composées de formes géométriques. Le minimalisme s’en distingue néanmoins par sa recherche absolue d’économie de moyens. Il s’inspire notamment du principe conçu par l’architecte allemand du mouvement Bauhaus, Ludwig Mies van der Rohe, « Less is more* », ou comment sublimer une œuvre par soustraction.

Les codes de la peinture minimaliste à travers ses grands représentants
• Kazimir Malevitch : Muse majeure de la peinture minimaliste, cet artiste peintre russe est à l’origine du suprématisme, mouvement né en Russie en 1915. Il prône une peinture pure, affranchie de toute représentation figurative ou symbolique, à l’image de ses Carré blanc sur fond blanc et Carré noir sur fond blanc ;

• Ad Reinhardt, peintre abstrait américain, rassemble en 1961 dans ses Black Paintings tous les codes du minimalisme : une peinture atemporelle, monochrome, réduite à l’extrême, « un objet conscient de lui-même » ;

• Frank Stella : Ses tableaux-objets sur châssis, composés de lignes droites, verticales, horizontales ou en zigzag, homogènes et régulières, interdisent toute interprétation : « What you see is what you see** », rien de plus. L’expérience artistique est ici délivrée de tout illusionnisme, l’art est dépouillé de tout sentiment, de toute symbolique, l’œuvre n’est plus décorative. Elle est, dans son expression la plus simple. L’art minimal a infiniment influencé l’art contemporain et se décline sous toutes ses formes. Architecture, sculpture, design, musique, haute-couture, art culinaire, il dépasse largement la représentation picturale… et inspire même notre mode de vie. À l’instar des artistes minimalistes, nous n’hésitons pas parfois à nous diriger vers une vie plus simple (mais non simpliste), dépouillée. Nous pratiquons la détoxification pour libérer nos organismes de ce qui les alourdit, nous nous débarrassons dans notre quotidien du superflu… pour finalement ne conserver que l’essentiel.

* « Moins, c’est plus »

** « Ce que vous voyez, c’est ce que vous voyez »