Depuis le début de 2025, les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis sont sous haute tension. L’imposition de tarifs douaniers punitifs par Washington a provoqué une réaction en chaîne : hausse des prix, mesures de rétorsion d’Ottawa et surtout, un changement marqué dans les habitudes de consommation des Canadiens.
C’est dans ce contexte qu’a pris forme le slogan « Buy Canadian », devenu en quelques mois le porte-étendard d’un patriotisme économique assumé. Les consommateurs choisissent désormais de privilégier des marques locales déjà bien ancrées dans la culture canadienne, porté par une volonté citoyenne de soutenir l’économie d’ici.
Plus qu’un simple mot d’ordre, le mouvement est en train de redéfinir la consommation au pays : acheter local n’est plus seulement un choix de cœur, mais aussi un geste économique et politique.
Les origines du mouvement : les tarifs américains réveillent le patriotisme économique
Le mouvement « Buy Canadian » trouve ses racines dans la crise commerciale qui a éclaté au début de 2025. Les États-Unis, invoquant la protection de leur industrie nationale, ont imposé des tarifs douaniers de 25 % sur une large gamme de produits canadiens, allant de l’acier et de l’aluminium jusqu’à certains produits agroalimentaires. Cette décision a non seulement fragilisé plusieurs secteurs clés de l’économie canadienne, mais elle a aussi fait grimper les prix de nombreux biens essentiels.
Face à cette offensive, Ottawa a répliqué rapidement en imposant à son tour des mesures tarifaires équivalentes sur les importations américaines. Le gouvernement a accompagné ces décisions d’un appel clair au patriotisme économique : soutenir les producteurs d’ici pour réduire la dépendance au marché américain. Ce discours a trouvé un écho puissant dans la population, déjà sensibilisée à l’importance de l’achat local depuis la pandémie.
Du côté citoyen, la réaction ne s’est pas fait attendre. Des campagnes spontanées sur les réseaux sociaux, des groupes de soutien aux PME locales et la création d’applications mobiles permettant d’identifier l’origine des produits ont contribué à renforcer le mot d’ordre « Buy Canadian ». En quelques semaines, ce qui ressemblait à une réponse conjoncturelle s’est transformé en un véritable mouvement collectif, où consommateurs et entreprises s’unissent autour d’un objectif commun : protéger et valoriser l’économie canadienne.
Changer ses habitudes de consommation, un geste citoyen
Le slogan « Buy Canadian » a trouvé un écho fort dans le quotidien des consommateurs. Selon un sondage Angus Reid, 85 % des Canadiens affirment remplacer activement les produits américains par des alternatives locales.
Ce réflexe se traduit dans des gestes concrets : à l’épicerie, de plus en plus de ménages privilégient des marques d’ici comme Maple Leaf Foods ou Agropur. Certains réduisent leurs achats en ligne sur Amazon, symbole de la dépendance aux produits étrangers, tandis que d’autres choisissent de passer leurs vacances au pays plutôt que de traverser la frontière.
Pour soutenir ce mouvement, plusieurs applications mobiles, comme Maple Scan ou Buy Beaver, permettent de scanner un code-barres pour vérifier l’origine d’un produit. L’acte d’acheter local devient ainsi plus simple, plus visible, et porteur d’une nouvelle fierté collective.
Un impact économique majeur : pertes américaines et gains canadiens
Ces changements de comportements ont eu des conséquences rapides sur les échanges entre les deux pays. Les exportations américaines de vin et de spiritueux vers le Canada ont chuté de plus de 60 %, représentant une perte de 173 millions $ US pour l’industrie américaine.
En parallèle, les détaillants canadiens profitent de cette vague de consommation locale. Des enseignes comme Metro ont vu leur part de marché croître d’environ 3 % depuis le début du boycott, tandis que des marques emblématiques comme Canadian Tire bénéficient d’un regain d’intérêt. D’autres entreprises comme Distillerie Mitis en profitent pour sortir de nouveaux produits.
À plus grande échelle, certains économistes estiment que le boycott canadien, combiné à la baisse du tourisme transfrontalier, pourrait coûter jusqu’à 0,3 % du PIB américain en 2025, soit environ 90 milliards $ US. Pour le Canada, cette crise se présente plutôt comme une opportunité : celle de renforcer son marché intérieur et de consolider une identité de consommation locale.
Défis et controverses : entre maplewashing et prix plus élevés
Si le mouvement « Buy Canadian » suscite un large engouement, il n’est pas exempt de critiques et de limites.
Un premier risque concerne le phénomène de maplewashing, terme utilisé pour décrire les fausses allégations « Made in Canada ». Certaines entreprises profitent de la vague patriotique en affichant une identité canadienne trompeuse alors que la majorité de leur production provient de l’étranger. Les organismes de régulation, comme le Bureau de la concurrence, ont déjà rappelé plusieurs marques à l’ordre pour leurs étiquetages approximatifs.
Le prix plus élevé des produits locaux représente également un frein. Dans certains secteurs, les consommateurs doivent payer davantage pour soutenir l’industrie d’ici, ce qui alimente un débat sur l’accessibilité de ce mouvement. Les familles à revenu moyen ou modeste risquent de ne pas pouvoir suivre cette tendance de façon durable, surtout dans un contexte d’inflation.
Enfin, une question demeure : le mouvement est-il viable à long terme ? Si l’élan patriotique actuel a été déclenché par une crise commerciale, rien ne garantit que l’habitude d’acheter canadien perdurera lorsque les tensions avec les États-Unis s’apaiseront. Des experts en consommation rappellent que les mouvements de boycott sont souvent puissants mais temporaires, et que leur survie dépendra de la capacité des producteurs canadiens à rester compétitifs, visibles et innovants.
Le mouvement Buy Canadian, simple tendance ou nouveau modèle durable ?
Le mouvement « Buy Canadian » est bien plus qu’un simple boycott temporaire. Il traduit une volonté collective de changer les habitudes de consommation et d’affirmer une solidarité économique et nationale dans un contexte tendu. Acheter local est devenu un geste porteur de sens : il soutient l’économie, valorise les producteurs d’ici et renforce l’identité canadienne.
Cependant, cette dynamique exige de la vigilance. Pour que le mouvement garde sa crédibilité, il est essentiel de protéger les consommateurs contre le maplewashing et de garantir que les produits affichés comme canadiens le soient réellement. De même, la capacité des entreprises locales à rester accessibles et compétitives sera déterminante pour maintenir l’élan à long terme.
En fin de compte, ce mouvement illustre la puissance d’un choix citoyen capable de transformer un marché. Si cette tendance s’installe durablement, elle pourrait devenir un véritable pilier de la consommation responsable au Canada, alliant fierté nationale, soutien économique et transparence.
