Entrevues pour le film En Terrains Connus

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J’ai vu, en grande première, sur invitation de presse, le film En terrains connus, qui a été sélectionné pour le festival du film de Berlin 2011 et présenté comme film d’ouverture au Rendez-vous du cinéma québécois 2011. Après l’acclamé Continental, un film sans fusil, le cinéaste Stéphane Lafleur nous entraîne à nouveau à la rencontre de personnages singuliers, au carrefour du fantastique et du plus qu’ordinaire. Le film prend l’affiche le 18 février et mon appréciation du film se trouvera dans la section cinéma à partir de cette date.
Entrevues :
J’ai rencontré, jeudi le 17 février, au Château Bonne Entente, les comédiens Fanny Mallette, Francis La Haye, Michel Daigle ainsi que le scénariste et réalisateur Stéphane Lafleur.
Questions pour Fanny Mallette :
Vous avez un rôle plutôt intérieur, tout en non-dit, en regard. Est-ce difficile pour vous de faire ce genre de rôle plus réservé?
« Des fois oui des fois non. Cela dépend des scènes. Des fois c’est assez clair ce que j’ai à jouer. C’est juste d’être présent, disponible et ouverte au service de Stéphane. D’autres fois, Stéphane est un peu plus directif sur certaines scènes. Il faut vraiment que je sois très à l’écoute, que je sois le plus précise possible. Il ne faut pas que j’essaie de jouer en fait. Nous les actrices on a envie de ressentir des choses, mais il faut juste être là, avoir de la présence. Dans les films de Stéphane, tous les gestes sont comptés, ont un sens. Alors, c’est de penser à mon corps, d’être en contrôle de chaque mouvement de mon corps. De ne pas bouger pour rien, pour que cela ait une signification. »
Qu’est-ce qui vous attirait dans ce rôle de Maryse?
« C’est son état de crise existentielle. À cause de l’accident dont elle est témoin au début du film, elle se met à faire de l’introversion, à se poser beaucoup de questions sur sa vie, son couple, sa famille, sans que cela soit dit nécessairement. On le voit par de petits gestes… Mais également, c’est de retravailler avec Stéphane qui me tentait beaucoup. »
Qu’est-ce que vous aimez justement de travailler avec Stéphane Lafleur, lui qui fait des films si différents des autres dans notre cinéma québécois?
« Son intelligence, son humour, son souci du détail et justement, le fait qu’il soit différent, qu’il nous amène complètement ailleurs. C’est un cadeau qu’on n’a pas la chance de voir souvent, alors on en profite quand ça passe, on savoure
Avez-vous eu la chance d’aller au festival de Berlin, où le film a été présenté récemment? Comment a été la réaction des gens?
« Oui, cela a bien été. C’était magique. La salle était pleine. Les gens restaient pour la période de questions avec le public. On a eu beaucoup de feedback. Cela riait, cela réagissait au moment où on attendait des réactions. Et la ville est magnifique! Un méchant beau bonus, dans cet hiver qui perdure.»
Et le tournage a eu lieu en hiver. Est-ce que cela a été difficile côté température?
«Des fois oui, des fois non. Encore une fois les jours où l’on tournait les scènes de voiture où il devait faire tempête par exemple, cela a été les trois jours qu’il a neigé pendant l’hiver. On a été vraiment chanceux. Par contre, pour d’autres journées on devait tourner avec de la neige et il n’y en avait pas. Il a fallu qu’on aille en chercher ailleurs, dans le Grand Nord. »
Questions pour Francis La Haye :
D’où venez-vous? C’est votre premier grand rôle au cinéma…
« J’ai étudié à Sainte-Thérèse et j’ai une formation de comédien. J’ai d’abord eu un troisième rôle, un tout petit rôle, dans Délivrez-moi de Denis Chouinard. Et puis un rôle dans le film de Maxime Giroux. C’était un premier rôle secondaire dans l’histoire. Et celui avec Stéphane Lafleur c’est un premier grand rôle effectivement. Mon personnage est là du début à la fin. Avec Fanny, on a les deux premiers rôles. »
Sur le premier film de Stéphane, vous étiez assistant-bruiteur. Pensiez-vous que vous pourriez avoir le premier rôle dans son prochain film?
« J’ai commencé le métier d’assistant-bruiteur, comme deuxième emploi, pour amasser des sous. Mais c’est un emploi assez créatif, car j’étais en contact avec des équipes de tournage de film, et je demeurais donc dans mon domaine. Je pouvais regarder des performances des autres acteurs et voir comment j’aurais pu les jouer. Je ne m’attendais pas vraiment à décrocher ce rôle, mais inconsciemment je l’ai peut-être souhaité, car j’adorais l’univers de Stéphane dans son film Continental un film sans fusil. Quand il est passé à l’écriture de son deuxième film, il a pensé à moi et j’ai dit oui tout de suite. Je craque pour son univers. Il a une poésie, sa vision du monde ordinaire qu’il magnifie à sa manière, que je trouve extraordinaire. C’est un grand réalisateur.»
Qu’est-ce que vous aimiez de ce rôle-là justement?
« À la lecture du scénario ce que j’aimais c’est que je me reconnaissais dans tout. Pas parce que je suis nécessairement comme le personnage, mais les situations en tant que telles, je les reconnaissais. Chez nous c’est complètement différent de ma famille dans le film. On se parle beaucoup, mais toutes les références, le ski-doo, lorsqu’il joue de la guitare dans sa chambre, sa relation avec sa sœur, ce sont des choses que je connais. Je savais dans quoi il voulait embarquer et c’est cela qui m’a séduit au départ. »
Vous avez dû faire un choix énorme lorsque justement vous avez obtenu le rôle, entre une tournée mondiale de danse avec Dave St-Pierre ou jouer dans le film?
« Effectivement, j’ai vu Dave St-Pierre à la grande première à Montréal et j’étais content de le voir. En 2010, j’avais été le dernier à être engagé dans sa compagnie et quelques semaines plus tard on me confirmait que j’avais ce beau rôle dans le film de Stéphane. J’ai alors appelé Dave et lui ai dit que c’est une opportunité qui est rare au Québec. Il se fait peu de films et surtout un film dans lequel j’avais vraiment envie de jouer. J’ai donc dû laisser tomber la tournée avec Dave, qui allait en Allemagne, Autriche, Suisse, puis au Canada… Ce fut déchirant, mais comme mon premier choix c’est d’être acteur… Et le cinéma me fascine depuis toujours. Mon grand-père a été projectionniste toute sa vie, alors le cinéma a fait partie de toute ma vie. C’est un médium que je connais bien. Je comprends la caméra, et aussi le fait que j’ai été assistant-bruiteur, cela m’a permis de comprendre les étapes pour bâtir un film. Mais pour la danse, j’adore cela aussi. Je me dis que même si on s’est manqué l’an passé, j’espère bien pouvoir renouer avec Dave et un prochain spectacle, une autre tournée… »
Questions pour Michel Daigle
Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce rôle?
« Quand j’ai passé l’audition, j’avais deux scènes à jouer. Celle à la table de cuisine et l’autre avec son fils lorsqu’il s’apprête à sortir avec un gilet peu approprié. Mais à part mes deux scènes, je ne connaissais rien de l’histoire. Ensuite, on m’a donné une copie du scénario et en le lisant, j’ai découvert une famille qui ne parle pas beaucoup, et le père, même s’il aime beaucoup ses enfants, il ne sait pas comment parler à ses enfants, comme beaucoup de pères encore aujourd’hui. Et cela me plait de jouer ce genre de personnage là, qui est complètement différent de ce que je suis dans la vie. Avec ma fille, on placote, c’est ma meilleure amie. Alors de le jouer, cela me fait penser un peu à mon père. Mon père était expressif, mais émotionnellement parlant, il n’était pas du genre à te prendre dans ses bras, et mon personnage dans le film aussi. Il trouve que son ado colle pas mal trop à la maison, il joue de la guitare trop fort… C’est une vie bien ordinaire, pour du monde bien ordinaire, mais on y retrouve beaucoup de tendresse. La relation entre la fille et son frère par exemple. J’ai vu le film une deuxième fois hier et j’y ai vu des choses différemment, plus clair, que je n’avais pas vu au premier visionnement. C’est bon de voir deux fois le même film pour en avoir une autre vision.»
Et c’était comment de travailler avec Stéphane Lafleur?
« C’était un bonheur. Un beau fou. J’aime cela de même. Il sait où il s’en va. Il sait son style. Pas besoin de l’action, des explosions, des fusils… C’est bien d’avoir d’autres genres de films. De belles histoires. »
Cela vous fait une année très remplie côté cinéma?
« Après avoir tourné dans La donation de Bernard Émond, puis Je me souviens de Yoland Galipeau, j’ai tourné récemment dans le film Le vendeur de Sébastien Pilote, qui sera à l’affiche à l’automne 2011 et aussi j’ai un petit rôle dans le film On the road, un film américain, basé sur le livre de Jack Kerouac, et on retrouve aussi Marie-Ginette Guay dedans également. Mais je ne sais pas quand aura lieu la sortie du film.»
Questions pour Stéphane Lafleur :
D’où vous est venue l’idée de ce film et de ce titre? Est-ce en terrains connus, car vous avez pris la même équipe technique et plusieurs des mêmes comédiens?
« C’est sûr qu’avec le titre En terrains connus on peut faire un clin d’œil sur cela, mon équipe. Mais à la base, le titre est arrivé dès le début, même avant. On dirait que des fois on collectionne des titres en se disant que cela ferait un bon film. Mais celui-là, il fait référence à la famille, c’est-à-dire que la famille c’est un lieu qu’on connaît bien. Ce sont des gens avec qui on a passé beaucoup de temps. Donc lorsqu’on se retrouve on sait à quoi s’attendre, on sait comment les autres vont réagir, on sait comment les autres sont. En même temps, il y a toujours une partie d’inconnu, une partie intérieure de ces gens-là qu’on ne connaît pas, leurs désirs profonds, leurs regrets… Dans le contexte du film aussi, il y a un homme qui arrive du futur pour faire une mise en garde contre un accident qui va arriver. Le personnage décide tout de même de l’avant, sachant ce qui l’attend, mais tout en tentant de détourner le connu
Dans le cadre de la promotion du film, il y a un site internet www.hommedufutur.com qui a été créé où l’on voit des capsules avec cet homme du futur et c’est très drôle. Pourquoi on ne le voit pas plus longtemps dans le film?
« Je ne voulais pas que le film tourne là-dessus. Je ne veux pas que les gens pensent que c’est un film de science-fiction. Pour moi c’est un film sur la famille, sur les liens, et cet homme est seulement l’élément déclencheur du film. Donc, cela était important pour moi que ce soit juste un point tournant dans le film. Cela amène un élément fantastique au film, mais aussi le personnage de Benoit accepte d’emblée que cet homme arrive d’un futur rapproché. On ne se pose pas de questions à savoir pourquoi? Comment? Avec quoi? Cela ne m’intéressait pas. Je voulais plutôt voir les conséquences de la mise en garde qu’il avait faite. J’ai donc voulu garder cela très minimaliste. »
Où avez-vous trouvé la musique pour accompagner le film, qui est complètement dans le ton du film?
« La musique vient d’un groupe suédois (composé de deux personnes) qui s’appelle Sagor & Swing que j’ai découvert lors d’un voyage à Stockholm il y a dix ans. Je suis un grand amateur de musique et j’en achète beaucoup. Je suis tombé en amour avec leur musique. J’avais utilisé une de leurs pièces pour la musique du générique de mon premier film. J’ai écouté beaucoup leur musique pendant que j’écrivais le film, car je trouvais que cela collait avec l’univers et le côté science-fiction qui plane tout le long du film. Mais je pensais honnêtement engager quelqu’un pour faire la musique. Quand on monte un film, on utilise toujours des pistes temporaires qu’on enlève lorsque la musique originale est prête. Finalement, avec ce film, cela collait tellement bien qu’on a contacté le groupe et on leur a demandé pour acheter les droits. Aussi, à la fin du film, il y a une pièce du Choeur de l’Armée rouge, avec une voix un peu baryton en russe. Cela aussi c’est arrivé par accident. Un jour, j’étais couché et la radio jouait, un soir d’hiver et la musique m’a réveillé et j’ai été fasciné par cette voix. J’ai réussi à la retrouver et la mettre dans le film.»
Pourquoi présenter le film sous forme de chapitre : 1er accident, 2e accident… ?
« J’ai toujours aimé les films à chapitres et j’ai toujours voulu faire un film de ce genre. Mon premier film devait être un film à chapitres et finalement cela ne fonctionnait pas au montage. Je me suis donc vengé dans le deuxième film. Mais aussi, comme je m’étais donné le défi de raconter une histoire qui se suit dans ce film, avec un espèce de suspense, où l’on se demande ce qui va se passer, les panneaux ACCIDENT venaient relancer cette idée-là. Cela vient relancer le spectateur.»
Vous revenez de Berlin, comment cela s’est-il passé?
« C’est bizarre, quand on fait un film, on travaille tellement longtemps dessus, qu’à un certain moment on oublie que cela va être vu par du monde. Alors, à Berlin, je suis entré dans la salle pleine, et je me suis dit Ah oui c’est vrai, on s’en vient le présenter à du monde. Et là je me suis demandé s’ils allaient comprendre l’humour et c’était sous-titré en anglais en plus. Finalement, le monde riait aux bons endroits. Comme ce sont les moments drôles que l’on peut palper le mieux dans une salle, car c’est sonore, alors c’est l’avantage de jouer avec la comédie, c’est d’avoir une réaction directe. Cela a donc réagi vraiment bien. J’en étais étonné. Et maintenant au Québec, hier à Montréal cela s’est bien passé aussi. J’aime bien que cela aille dans les festivals, mais il est important que les gens le voient au Québec aussi. Il y a des visages qu’on a moins vu ces dernières années, comme Michel Daigle, et il y a Francis La Haye qui mérite à être connu. C’est le temps de le découvrir! »
Un film scénarisé et réalisé par Stéphane Lafleur qui prend l’affiche le 18 février dans les salles de cinéma du Québec.
Distribution
Benoit, le frère : Francis La Haye,
Le père : Michel Daigle
Maryse, la sœur : Fanny Mallette
Alain, le conjoint : Sylvain Marcel
Nathalie : Suzanne Lemoine
Homme du futur : Denis Houle
produit par
Luc Déry et Kim McCraw
Direction de la photographie Sara Mishara
Montage Sophie Leblond
Conception visuelle André-Line Beauparlant
Conception des costumes Sophie Lefebvre
Son Pierre Bertrand, Sylvain Bellemare,
Bernard Gariépy Strobl
Avec la musique de Sagor & Swing
Production délégué François Reid en collaboration avec Claude Paiment
1ère assistante réalisation Danielle Lapointe
Superviseur de postproduction Érik Daniel
Scénariste-conseil Valérie Beaugrand-Champagne
Distribution des rôles Marie-Jan Seille
une production : micro_scope
Distribution au Canada : Les Films Christal (sous distribution Les Films Séville)
Distribution internationale :Entertainment One
La musique du film: le groupe est Sagor & Swing (www.myspace.com/sagorswing ) et la musique du film sera en vente sur iTunes vers le 22 février.
crédit photos : Roland de Québec