Entrevues avec Mylène Gilbert-Dumas et Michel Langlois, deux de mes auteurs favoris.

Mylène Gilbert-Dumas

Lors du salon international du livre de Québec 2012, j’en ai profité pour aller rencontrer mes auteurs préférés, ceux dont j’ai lu et apprécié le plus leurs livres au fil des années. Deux de ces auteurs, très prolifiques étaient présents et j’ai eu la chance de leur poser quelques questions. 

Tout d’abord, j’ai rencontré Mylène Gilbert-Dumas, une auteure que j’adore et dont j’ai lu tous les livres, dont un livre jeunesse, 7 romans historiques (deux trilogies Les dames de Beauchesne et Lili Klondike, et le roman 1704) et qui s’est lancé tout récemment dans le roman contemporain, avec une trilogie sur la lenteur avec L’escapade sans retour de Sophie Parent et tout récemment le deuxième volet Yukonnaise qui vient d’être publié le 11 avril dernier. 

Tout d’abord, comment est venue l’idée de ce roman contemporain sur la vie des gens du Yukon, et les personnages comme Isabelle et Guy dans ton nouveau roman, Yukonnaise

« Ce roman est né au début de l’année 2010, pendant mon premier séjour d’hiver lors d’une résidence d’écriture au Yukon de la Berton House Writer’s retreat, alors que j’étais là pour écrire L’escapade sans retour de Sophie Parent. Mais chaque fois que je sortais au resto, ou à l’épicerie, je rencontrais ces gens très free spirit, affranchis, un peu rebelles. J’ai donc mis mon roman de côté et je me suis mise à faire des entrevues avec ces gens. Ils me racontaient leurs histoires en échange d’un verre au bar. J’ai fait cela pendant deux hivers, 2010 et 2011. À partir de ces entrevues, j’ai ressorti les traits communs de ces femmes pour créer Isabelle. Donc, ce sont des femmes qui ont quitté le Québec suite aux pressions sociales ou familiales, ou bien pour suivre un homme là-bas. Et ces gens, ont tous cette liberté un peu grisante et communicative. Ils sont d’une grande authenticité. What you see is what you get!. Et là-bas, les apparences n’ont pas d’importance. On s’habille comme on veut et on se fout des conventions. Donc, pour Isabelle, on la rencontre, elle est une esthéticienne à Québec et un moment donné elle quitte pour le Yukon et on voit son évolution sur une période de 9 ans, où elle devient une véritable Yukonnaise. Guy, il est à l’image aussi de bien des gars au Yukon. Presque tous les hommes portent la barbe là-bas. Mais, Guy est l’inspiration d’un gars en particulier qui a trouvé de l’or au Yukon, lors d’une récente ruée vers l’or et malgré cela, il continue de vivre sans électricité, ni eau courante, même s’il est riche maintenant. Là-bas, la façon de vivre n’est pas influencée par l’argent.» 

Est-ce que tu as fait lire ton roman à tes amis du Yukon? 

«J’ai demandé à une de mes amies du Yukon de le lire à l’état manuscrit et elle m’a écrit ses commentaires. Par exemple, le trajet pour aller de Whitehorse à Dawson, je ne me souvenais pas combien de temps cela prenait, alors je me suis fié à Google, qui donnait un temps approximatif de 8 heures. Dans les faits, elle m’a dit que c’était rare qu’un Yukonnais prenne plus de 6 heures pour faire cette route. Aussi, c’est elle qui m’a fait remarquer que les Yukonnais, vu qu’ils ne prennent leur douche qu’une fois par semaine (le reste du temps, c’est à la mitaine), ils le font le vendredi, avant d’aller veiller. » 

Dans le roman, tu décris beaucoup comment cela se passe l’été, avec les touristes et les travailleurs saisonniers. Es-tu allé au Yukon aussi en été?

« Oui, j’y suis allée 5 fois au Yukon. La première fois que j’y suis allée, c’est en juillet 2001, quand j’ai eu l’idée d’écrire Lili Klondike. Ensuite, j’y suis allée en septembre pour faire la recherche pour écrire Lili Klondike. Ensuite, j’y suis retournée en 2006 pendant près de 3 semaines, pour faire le trajet que les chercheurs d’or avaient fait à l’époque. C’était à l’automne et j’y ai vu des couleurs magnifiques, le sol qui devient rouge-bourgogne. Puis, mes deux hivers et l’été dernier, pendant deux semaines durant le solstice à Dawson City. Et j’y retourne cet été aussi et l’hiver prochain.» 

Tu parles de cette région avec tellement de passion et d’éclat dans les yeux, est-ce que tu aurais le goût éventuellement de tout laisser pour aller t’établir au Yukon toi aussi?

 «C’est très cher le coût de la vie là-bas. Un 1 et ½ dans un sous-sol pas chauffé, ni éclairé pour 800 $ à 1000 $. C’est pour cela que beaucoup de mes amis vivent dans des cabanes dans le bois.  Et moi, je suis écrivaine, pas notaire ou avocat…Je n’ai donc pas un salaire très élevé. C’est sûr que les Yukonnais ont un salaire très élevé là-bas pour réussir à y vivre, mais moi, en tant qu’écrivaine, j’aurais le même salaire qu’avant que je reste au Québec ou que je vive au Yukon. Et aussi, je n’obligerais pas mon chum à déménager là-bas. C’est moi qui suis tombé en amour avec cette région et pas lui. Alors, je me contente d’y aller souvent, voir mes amis, garder des maisons pour que ce soit moins cher aussi. » 

Et à quoi on peut s’attendre pour les prochains romans que tu nous prépares? 

« Mon prochain roman qui est avancé au tiers environ, et qui sera sûrement prêt pour avril prochain, lors du Salon du livre à nouveau, est le troisième volet de cette série de livres sur la lenteur. Ces romans tournent tous autour du même thème, soit celui de femmes avec un caractère fort, qui décident de changer de vie, de vivre différemment de la course dans laquelle on vit en permanence. Après L’escapade sans retour de Sophie Parent et Yukonnaise, ce troisième roman se déroule à Québec, dans le faubourg Saint-Jean-Baptiste, au début des années 90. Encore une fois, l’histoire est différente, mais c’est une autre quête pour avoir du temps, pour pouvoir vivre tranquillement… Ensuite, j’ai également en tête un autre livre que je vais débuter à l’hiver prochain, alors que je serai à Whitehorse pour deux mois, pour écrire sur les mushers, ces gens qui font du traineau à chien, dans les grandes courses de 1600 Km, comme la Yukon Quest. Je veux montrer ce qu’est l’univers des gens qui font du traineau à chien. Eux, ils sont vraiment des gens marginaux, affranchis, et il y a même des femmes parmi eux. » 

Que penses-tu de ces gens qui ont participé à l’émission la ruée vers l’or que l’on peut voir à TVA ces jours-ci? Tu les a rencontrés n’est-ce pas pour leur donner une petite formation lors du premier épisode? Est-ce que tu aurais aimé cela faire partie de cette aventure? 

« Es-tu malade? (Rires) En fait, quand j’ai donné la formation à ces participants, je les trouvais beaux dans leur innocence. Ils ne savaient vraiment pas dans quoi ils s’embarquaient. Moi, lorsque j’ai écrit Lili Klondike, je suis allée voir où tous ces gens sont passés à l’époque, j’ai lu les journaux, j’ai vu de quoi cela avait l’air. C’était complètement débile. S’ils l’avaient su ces gens-là avant de partir dans ce temps-là, jamais ils ne seraient partis. C’était deux ou trois mois d’enfer. Alors, quand j’ai donné la formation, ces gens n’étaient même pas inquiets. Ils avaient de la candeur et de l’excitation dans les yeux. Mais ils en ont bavé… Alors, ce n’est pas pour moi. J’aime voyager, mais pas ce genre de sport extrême. Par exemple, cet été, je vais faire le voyage en autobus jusqu’à Whitehorse pour voir ce que c’est le trajet pour le faire vivre à mes personnages ensuite. Mais ce sera 96 heures de route, 4 jours en autobus, je sais que je vais être écoeurée. Même quand j’ai fait la recherche pour Lili Klondike, je suis allée marcher partout où les autres avaient passé avant, mais je n’ai pas fait la route au complet. Après seulement un petit bout, je pouvais m’imaginer ce que ce serait pendant 3 mois. » 

Lien vers mon appréciation du roman L’escapade sans retour de Sophie Parent de Mylène Gilbert-Dumas

https://info-culture.biz/2011/04/04/lescapade-sans-retour-de-sophie-parent/

 Dans les prochains jours, je vais publier aussi mon appréciation de son tout nouveau roman Yukonnaise, dans la section livre de ce site.

 

Michel Langlois

Par la suite, j’ai rencontré le charmant septuagénaire Michel Langlois, auteur très prolifique qui fait également dans le roman à saveur historique avec les quatre tomes de la saga familiale La Force de vivre. Puis, tout récemment, il a entamé une autre saga en quatre tomes Ce pays de rêve qui se passe au 17e siècle. Il a publié également un récit plutôt semi-autobiographique en deux tomes, Un p’tit gars d’autrefois, qui se déroule dans la Beauce dans les années 1950. Le premier tome L’apprentissage raconte l’histoire d’un jeune garçon d’environ 12 ans et le deuxième tome qui vient à peine de sortir Le pensionnat, parle du jeune homme, alors qu’il est rendu à 19 ans.

Pour votre saga qui se passe au 17e siècle qu’est-ce qui est le plus difficile lorsque vient le temps d’écrire des romans sur une époque aussi lointaine, si on veut respecter l’histoire?

« C’est beaucoup de recherche qu’il faut faire et surtout de réussir à camper l’histoire dans le contexte de l’époque. Mon but, avec ces livres, c’est de faire connaître cette époque, à travers des personnages fictifs, mais qui rencontrent des personnages réels. Ainsi, on raconte les grandes lignes de ce qui s’est passé à une époque, à travers une histoire fictive. Pour mes recherches, comme j’ai travaillé aux archives nationales, spécialiste en histoire généalogie, pendant 50 ans, avec les ancêtres, alors le 17e siècle, je le connais pas mal. Leur contexte de vie je le connais. Il s’agissait juste de l’écrire d’une façon différente en créant une famille et en leur faisant arriver toutes sortes de choses. Quand j’ai des choses précises à trouver, je les note et de temps en temps, je vais à Québec (j’habite à Drummondville) pour une couple de jours et je vais fouiller aux archives ou à l’Université… Le plus difficile c’est de faire parler mon personnage principal avec des termes du 17e siècle. Je devais chercher dans le dictionnaire fréquemment pour voir si cela existait ou non à l’époque.  J’ai trouvé aussi un glossaire de 21 000 mots du 17e siècle de Normandie et j’ai choisi parmi eux près de 200 mots que j’ai voulu mettre dans mes textes. Je les ai mis dans des phrases où les gens pouvaient facilement comprendre ce qu’ils voulaient dire. Et j’ai choisi surtout de très beaux mots, que j’aurais voulu qu’ils existent encore aujourd’hui.  » 

Et que peut-on s’attendre pour le tome 3 de Ce pays de rêve ? 

« Pour la suite, ce sera encore le même personnage, mais à son retour au Québec, il sera maintenant notaire de la seigneurie de Verchères. Cela me permet de montrer quel était le métier de notaire d’une seigneurie. Et j’en profite pour raconter la vie de ses enfants. Il va y avoir sa fille ainée qui va marier un soldat et ils seront appelés à aller en France, il y a aussi un d’eux qui deviendra un militaire, un autre sera un scientifique. Puis, pour le quatrième tome, je parlerai du dernier enfant de cette famille, qui est arrivé sur le tard et qui sera, comme le nom de ce tome l’indique, le mouton noir. Il sera secrétaire pour les intendants. Il sera témoin de toutes les magouilles de l’intendant Bigot. On peut voir que l’histoire se répète… le scandale des commandites, cela existait en masse à l’époque de cet intendant… Donc, même si les deux derniers tomes ne sont pas encore en magasin, pour ma part, j’ai terminé d’écrire la saga de Ce pays de rêve. J’ai même débuté l’écriture d’une autre saga, dont j’ai déjà 3 tomes d’écrits.  » 

Quel est votre rituel d’écriture pour être aussi efficace?

« Je me mets devant mon ordinateur vers 9 h le matin et j’arrête vers 12 h 30 pour aller diner. Puis, je recommence vers 16 h et je peux filer jusque vers 22 ou 23 h le soir. Ce sera mon anniversaire lundi, j’aurai 74 ans. Je me dis que je vais travailler le plus possible pendant que je suis encore capable.» 

Parlez-moi aussi de ce deuxième tome d’Un p’tit gars d’autrefois. Le pensionnat. 

« Au départ, quand la maison d’édition m’a demandé d’écrire une suite au premier livre, je ne voulais pas vraiment en écrire une. Mais le printemps dernier, j’ai été hospitalisé à l’hôtel-Dieu de Québec pour un cancer de la prostate. Alors, pendant mes deux mois là-bas, j’étais comme dans un pensionnat. J’étais enfermé. C’était triste de voir tous ces gens avec le cancer, s’asseoir toute la journée devant la télé. Tant qu’à rester là à rien faire, j’ai donc décidé d’écrire ce deuxième tome, le Pensionnat. C’était facile, puisque ce sont mes souvenirs… Quand j’ai décidé d’écrire cette série de livres, c’est pour mes petits-enfants que je l’ai fait. Je voulais qu’ils apprennent comment j’ai vécu mes douze ans (le premier tome). C’est tellement différent des enfants d’aujourd’hui. Après le pensionnat, où là, c’est plutôt un garçon de 19 ans, si jamais je fais une suite, ce sera beaucoup plus pour adulte, mais je ne sais pas si je vais en faire d’autres. » 

Donc, on peut s’attendre à avoir le Tome 3 de Ce pays de rêve à l’automne et le tome 4 au printemps prochain. 

Par la suite, on aura une autre saga de 4 tomes qui se passera en 1893 à l’ile d’Anticosti. C’est une histoire ignorée des québécois, quand l’ile a été achetée par un millionnaire français et comment il leur a fait vivre un cauchemar au point de presque vider l’ile d’Anticosti.  

Lien vers mon appréciation de la saga Ce pays de rêve de Michel Langlois

https://info-culture.biz/2011/11/10/ce-pays-de-reve-tome-1-les-surprises-du-destin/

https://info-culture.biz/2012/03/31/ce-pays-de-reve-tome-2-la-dechirure/

 Le prochain Salon se tiendra du 10 au 14 avril 2013 au Centre des congrès de Québec. C’est un rendez-vous!

http://www.silq.ca/

La galerie de photos : http://espace.canoe.ca/infoculture/album/view/860362

 

Crédit photos : Benoit Roy