Anthologie grecque en librairie le 2 octobre 2012

 

Anthologie grecque
Anthologie grecque

Les manchettes récentes sur la Grèce sont plutôt sombres, et portent essentiellement sur des questions économiques : chômage, récession, taux d’intérêt, etc. Or, la Grèce est aussi le cœur d’une littérature vivante, riche et dense, que l’anthologie Prends-moi au mot et donne-moi la main ! donne à découvrir. Traduites par l’helléniste Jacques Bouchard, les trente-quatre nouvelles offrent un aperçu vibrant de l’effervescence littéraire des trente dernières années. La pluralité des voix qui ont été sollicitées dans ce portrait inédit est justifiée et expliquée dans une remarquable introduction de Vangélis Chatzivassiliou. Grâce aux repères temporels et stylistiques que ce spécialiste du paysage littéraire néo-hellénique propose au lecteur, les différents textes prennent tout leur sens, et s’offrent comme autant de fenêtres ouvertes sur un monde étranger.

La mosaïque livrée par cette anthologie est littéralement incarnée. En effet, les protagonistes ont mal au corps : qu’il s’agisse de dissimuler un esprit faible derrière une montagne de muscles (« Le corps », de Nicos Chouliaras), ou de subir l’amputation d’un doigt par un criminel fou (« Comme on brise un doigt », d’Amanda Michalopoulou), l’être humain est exprimé dans toute sa vulnérabilité. Prisonnier d’une enveloppe de chair, il tente de mener sa vie dignement et de vieillir en paix, même si les années le transforment en bibelot abandonné chez un antiquaire (« Matière forestière », de Pavlos Matessis). Pris dans un univers trouble, les personnages sont torturés, affaiblis par les luttes intérieures qui les déchirent, même lorsque la réalité ne présente aucun danger (« Objet trouvé », de Christophoros Milionis). Et pourtant la mort ne libère pas les hommes de leurs tourments, même si la mémoire tend à améliorer le passé et à le glorifier. Ainsi, à peine enterré, un père est transformé en « ancêtre, fondateur, chef de dynastie » (« Rose et noir », de Claire Mitsotaki).

Tout, dans la forme et dans le contenu de Prends-moi au mot et donne-moi la main !, témoigne d’une volonté esthétique et artistique de calibre exceptionnel. Plonger dans les textes et se laisser happer par leurs voix, c’est accepter de déménager, de comprendre ce qui se pense et ce qui se passe ailleurs. C’est aussi, et surtout, redonner à la Grèce la dignité qui lui revient, au delà de l’image d’une société chaotique, déchirée par les difficultés économiques et l’instabilité politique.

Prends-moi au mot et donne-moi la main !
Nouvelles grecques contemporaines

Traduction et préface de Jacques Bouchard
Introduction de Vangélis Chatzivassiliou

Photo: courtoisie