Tout ce que j’aurais voulu te dire de Annie Loiselle

Éléna Cohen va mourir. Elle voudrait régler ses amours avant de partir. Elle veut revoir Julien malgré son mari, Maxime. Elle souhaite dévoiler à Jane, sa fille aînée, le secret de sa naissance. Pour une fois, elle veut aller au bout d’elle-même et de ses désirs et réparer ce qu’elle aurait dû reconstruire depuis longtemps.

Ce premier roman pour Annie Loiselle m’a attiré pour deux raisons. D’abord parce qu’il a l’amour comme point central de son histoire. Quel amour? Tous les genres d’amours. L’Amour avec un grand A, celui qui donne des papillons dans l’estomac, l’amour-passion, l’amour âme-sœur, mais aussi l’amour tranquille, plus stable et sécuritaire. Il y a également l’amour d’un parent pour ses enfants et vice et versa, l’amour entre frères ou sœurs, et même l’amour grand-parent et petits-enfants. En fait, ce sont toutes ces relations : mère-fille, homme-femme, grand-mère-petite-fille, et même frère et soeur qui sont scrutés à la loupe à travers l’histoire d’Éléna Cohen et sa famille. L’autre raison pour laquelle ce roman m’attirait, c’était l’opportunité de me faire raconter l’histoire de cette famille, mais dans la perspective différente de cinq personnages. Et c’est ce qui me plaisait le plus à l’idée de ce roman.

Et effectivement, je fus agréablement conquise par cette histoire. Cette auteure que je découvre avec ce roman a une très belle plume, tout en finesse et en émotions. Pour chacun des cinq narrateurs, l’auteure nous permet un accès direct à leurs réflexions et leurs émotions, si bien que d’une section à l’autre, on se retrouve à avoir un parti pris pour l’un puis pour l’autre personnage.

Voici un extrait pour vous donner une idée du ton du livre et de la magnifique plume de cette auteure : «…j’essaie de déchiffrer les mathématiques comme mes raisons de vivre et je ne comprends rien, tout se retrouve, pêle-mêle, dans le même tiroir de mon cerveau, celui qui reste toujours coincé parce qu’il s’ouvre sur mes émotions de brebis égarée.»

Ce roman nous fait également réaliser que chaque situation ou évènement peut être perçu différemment selon la personne et qu’il ne faut pas se fier seulement à la version des faits d’une seule personne puisqu’elle peut être biaisée par ses jugements de valeur et sa perception des choses. Ainsi, la première section du roman nous est livrée par le personnage central, Éléna, qui nous raconte les grands moments de sa vie, sa relation avec sa mère Ruth, ses deux filles Jane et Isabella, son mari Maxime et surtout, sa grande déception, ou grande peine d’amour, Julien qui aura toujours été pour elle son grand Amour. À partir de ce qu’elle nous raconte, on se dote d’une image mentale de la personnalité de ces personnages. Cependant, lorsque par la suite on poursuit le récit, par les yeux et les réflexions de Jane, puis Maxime, et enfin Ruth, on se rend compte que ces gens ne sont pas nécessairement à l’image de ce qui a été décrit. Et c’est là que l’on comprend que la communication ne passe pas seulement par les mots, mais par les non-dits, les idées préconçues, et les expériences passées, et on se rend compte que chacun a sa propre vision de la vie, de l’amour, et de l’autre. C’est fascinant.

Mais au-delà de ces interprétations de l’un et de l’autre, il y a cette saga familiale que l’on découvre et qui surprend et émeut. L’amour entre Julien et Éléna qui est plus fort que le temps et l’éloignement, mais qui peut laisser des séquelles tout autour. L’amour infini et inconditionnel d’un parent pour son enfant, mais qui n’est pas toujours perçu ainsi. Les comportements et les valeurs qui se transmettent de génération en génération, sans qu’on puisse y changer quoi que ce soit. Les liens familiaux que l’on ne suspecte pas et qui surprennent à tout moment. Les détours de la vie qui font que des liens se créent là où cela n’aura pas dû. Les blessures engendrées par les actions de l’un et les silences de l’autre. Mais aussi le deuil face à la mort d’un être cher, comment y faire face, comment se libérer de sa culpabilité de ne pas avoir pu se réconcilier, ne pas avoir pu avouer les erreurs, les remords. Bref, ce roman est tout cela et plus encore!

Je n’ose en dire plus, pour ne pas dévoiler des surprises, des revirements de situations, pour que le prochain lecteur puisse en apprécier toutes les subtilités à son tour.

Personnellement, je me réjouis de savoir que Annie Loiselle aura un prochain roman à nous offrir à l’automne 2013, car j’ai l’impression qu’elle vient de faire de moi une lectrice assidue de ses prochains écrits.

Annie Loiselle est née à Saint-Eustache en 1976. Elle détient une maîtrise en études littéraires à l’UQAM. En 2003, elle publie un essai intitulé Les Affamées – Regards sur l’anorexie aux Éditions de l’Homme. Elle enseigne le français au secondaire et travaille sur une maîtrise en enseignement, à l’Université de Sherbrooke. Elle est aussi mère de cinq enfants. Tout ce que j’aurais voulu te dire est son premier roman. Zone Blanche, son deuxième roman est prévu pour l’automne 2013.

216 pages

22.95$ version papier

16.99$ version électronique

Éditions Stanké

http://www.edstanke.com/