Histoire : La rumeur dorée – Quand l’Histoire officielle n’est que rumeur

La rumeur dorée de Bernard Allaire, éd. La Presse (photo : courtoisie)
La rumeur dorée de Bernard Allaire, éd. La Presse (photo : courtoisie)
La rumeur dorée de Bernard Allaire, éd. La Presse (photo : courtoisie)
La rumeur dorée de Bernard Allaire, éd. La Presse (photo : courtoisie)

«L’individu au cœur de nos préoccupations ne nous est pas totalement inconnu, mais, pour diverses raisons, il est demeuré en partie invisible aux yeux des chercheurs. Jusqu’à présent, personne ne s’était réellement soucié d’approfondir l’histoire personnelle de cet homme. (…) Il va sans dire que ces auteurs, désireux de protéger la gloire de Jacques Cartier, n’ont pas été véritablement enclins à enquêter au sujet du sieur de Roberval sauf peut-être pour y dénicher des éléments susceptibles de noircir son image. (…) Ainsi, on l’a tour à tour confondu avec des personnages portant un patronyme analogue, fait de lui un pirate et le propriétaire de terres ou de titres qui ne le concernaient pas.»

Avec cet objectif avoué de remettre de l’ordre dans ce pan de l’histoire en rendant justice au véritable mérite de Jean-François de La Rocque, seigneur de Roberval, l’historien Bernard Allaire, auteur de La rumeur dorée, s’est attaqué, 10 ans durant, à l’étude de toutes les sources disponibles permettant de rétablir certains faits et de démentir les allégations douteuses et peu flatteuses sur celui qui mena, entre 1541 et 1543, la première expédition de colonisation française. Loin d’être le pirate qu’ont voulu dépeindre certains historiens fans de Cartier, Roberval était plutôt un militaire issu de l’aristocratie. Ayant servi sous les ordres de François 1er, qui l’avait à la bonne comme diraient nos cousins Français, il a fait preuve de sa valeur militaire et morale, ce dont le roi avait besoin pour le représenter lors de l’expédition canadienne que mènera, finalement, Roberval au détriment de Cartier.

Explorant Roberval tant par sa vie familiale et sociale que ses possessions matérielles, ses titres de noblesse, sa structure morale, ses faits d’armes et son périple outre-mer, on redécouvre la vie à l’époque de la Renaissance dans le contexte d’une France qui se sort de guerre et porte un regard plein d’espoir vers les futures Amériques. Il faut bien regarnir les coffres, guerroyer a été, de tous temps, un acte coûteux. Et la rumeur dorée, celle qui court sur les métaux précieux qu’on retrouverait partout sur les terres encore inexploitées, est source d’une course de colonisation entre pays européens. Richement illustré, parsemé de cartes, de portraits et de toiles de l’époque, il suffit de se laisser transporter dans l’aventure de Roberval et de vivre à travers lui des épisodes marquants qui ont forgé les balbutiements de notre nation. Il est également fascinant de constater que l’écriture de l’Histoire dite officielle, celle transmise et enseignée, est souvent incomplète et sujette à la partisanerie des historiens… ou tout simplement à leur manque de rigueur. C’est là toute la quête de Allaire, tout l’intérêt de La rumeur dorée. Il reprend à zéro tout le travail historique concernant cet épisode d’exploitation et de colonisation, remet les pendules à l’heure sur celui par qui passe le cours de notre histoire.

Petit sursaut qu’il est difficile de passer sous silence (sans doute que l’auteur comme l’éditeur auront été tout autant surpris) : à deux reprises, le lecteur aura une sensation de déjà lu. Et pour cause! L’imprimeur a inséré par deux fois de nombreuses pages qui se répètent (pages 33 à 40 et 57 à 64). Nous ne pouvons qu’espérer que cela n’ait pas eu pour effet de supprimer d’autres pages.

Au final, malgré ces inexplicables doublons de pages, ce beau livre qui réécrit l’histoire de façon aussi agréable à lire qu’à regarder s’inscrit définitivement dans les ouvrages destinés à tout public. C’est peu souvent que l’on a l’occasion de découvrir l’Histoire sous la lumière d’une enquête, ce qui donne vie et vigueur au texte. Bernard Allaire aurait pu étaler sa maîtrise du sujet en noyant l’Histoire dans les détails mais il a fait le choix d’offrir un livre accessible par son équilibre entre les faits et leur mise en contexte, choix que l’on salue. L’ouvrage conserve un rythme équilibré et constant du début à la fin, sans inutile longueur mais sans ne rien laisser de côté. Une enquête historique complexe rendue de façon épurée, intéressante et qui remet plusieurs choses à leur place : autant les faits historiques entourant Jean-François de La Rocque, seigneur de Roberval, autant le rôle des historiens dans l’histoire qu’ils écrivent. Et c’est de notre histoire dont il s’agit…

* * Dès le 1er mai 2013, l’exposition La colonie retrouvée se tiendra au Musée de l’Amérique française de Québec. Cette exposition est directement en lien avec la sortie du livre La rumeur dorée. * *

Bernard Allaire, historien et auteur
Bernard Allaire, historien et auteur

Historien québécois maintenant établi en France, Bernard Allaire est spécialiste des économies urbaines et maritimes de l’Ancien régime, de calligraphie et de manuscrits anciens, ses ouvrages se sont vu décerner des prix à plusieurs reprises.

 

 

 

 

 

La rumeur dorée : Roberval et l’Amérique – Bernard Allaire
Ouvrage historique
Maison d’édition : La Presse
159 pages, illustrées / couleur
Parution : Avril 2013
Prix suggéré : 34.95$