J’ai vu, en grande première, le film Démantèlement de Sébastien Pilote, mettant en vedette Gabriel Arcand, Gilles Renaud, Lucie Laurier et Sophie Desmarais. Après avoir gagné le Prix de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) lors de la semaine de la critique à Cannes, ce film a déjà fait partie d’une panoplie de festivals un peu partout dans le monde et a été acheté pour être distribué en France, Suisse, Grèce et Moyen-Orient, ainsi qu’aux États-Unis. Après le Vendeur, Sébastien Pilote s’attarde sur la vie d’un homme sur sa ferme d’élevage d’agneaux à l’heure où il choisit ses filles plutôt que sa ferme. Une œuvre aux images bucoliques dont toutes les émotions tiennent dans les yeux de Gabriel Arcand. Sublime! Ce film sort en salles dès aujourd’hui le 15 novembre. Pour lire et écouter mes entrevues avec les artisans de ce film, cliquez sur ce lien : https://info-culture.biz/2013/11/10/entrevue-avec-les-artisans-du-film-le-demantelement-de-sebastien-pilote/
Synopsis
Gaby (Gabriel Arcand) a une ferme sur laquelle il élève des agneaux : La Ferme Gagnon et fils. Il a deux filles qu’il a élevées comme des princesses et qui habitent loin dans la grande ville. Un jour, l’aînée lui demande de l’aider financièrement pour éviter de perdre sa maison. Gaby, chez qui le sentiment de paternité s’est développé jusqu’à la déraison, décide de démanteler la ferme. Il vend tout – la maison, le troupeau et la terre familiale – pour s’en aller vivre dans la petite ville d’à côté dans un petit appartement.
Il y a plusieurs raisons qui me font dire que ce film doit être vu, mais surtout être vu sur grand écran, dans une salle de cinéma. Tout d’abord, ce film met en vedette le très grand acteur Gabriel Arcand, qu’on voit si peu souvent au cinéma (mais plutôt au théâtre) dans une performance magistrale de jeu, tout en retenue, où son visage et surtout ses yeux dégagent toutes une gamme d’émotions qui ne laissent personne indifférent. Ensuite, les paysages bucoliques de la région du Saguenay, peu connue, celle des fermes, des montagnes, des vallées, des moutons en liberté, sont à couper le souffle. C’est un film tourné en 35 mm, en format panoramique, comme il s’en fait de plus en plus rarement maintenant, et où l’on découvre une envergure, une amplitude qu’on ne pourrait pas voir en DVD ou à la télé. Et finalement, c’est un film qui parle de la relation père-fille, ce qui se voit peu au cinéma québécois, en plus de parler d’un sujet peu exploité, la ferme, l’élevage d’animaux, mais aussi le deuil de son métier, de sa vie, de ses bêtes, du démantèlement de sa ferme.
Bien que ce soit tourné au Québec, avec nos acteurs québécois, on a parfois l’impression de regarder un film au style western américain, en partie, à cause de ces paysages sublimes qui pourraient rappeler les fermes du Midwest américain ou de l’Irlande, mais également grâce à la trame sonore, parfois en anglais, parfois instrumentale dans un style western, avec de la guitare qui accompagne à l’occasion certaines scènes, sans exagérer.
Sébastien Pilote, il l’a lui-même mentionné, a voulu faire un film mélodramatique, où les gens seraient émus et pourraient pleurer à tout moment durant le film. Et je pense qu’il a parfaitement réussi. Il y a plusieurs scènes fort émouvantes, entre Gaby (Gabriel Arcand) et sa fille Frédérique (Sophie Desmarais) et même avec son autre fille Marie (Lucie Laurier). Peu de paroles sont nécessaires et tout est dit dans le regard, la posture, les non-dits.
Il y a cependant deux moments magiques dans le film, où Gaby pleure avec sa fille et quand ses frères quittent sa maison. Et là, Gaby parle un peu plus. Il y va d’un monologue qui n’est pas sans rappeler sa performance dans le film Les Plouffes avec beaucoup de senti.
Ce qui est intéressant également dans ce film, c’est la manière dont Sébastien nous présente cet homme de la ferme et son métier, un peu à la manière d’un documentaire, avec ses tâches quotidiennes. On y voit même une séquence de démantèlement d’une ferme à l’encan, filmé avec une foule de figurants, eux-mêmes fermiers. Cela donne une touche véridique au film et permet au public de sentir que ce que Gaby vit est authentique.
En résumé, ce film lumineux est poignant, touchant, et enrageant parfois. Cependant, on n’a jamais pitié de Gaby, car il s’assume, il ne s’apitoie pas sur son sort. Il dit faire ses choix consciemment, tout en sachant que ses filles abusent de ses bontés. On le sent fier et fort, malgré tout, et pas du tout pathétique.
À la toute fin du film, il y a une scène (que je ne décrirai pas pour ne pas tout dévoiler), qui m’a brisé le cœur, comme si on lui assénait un grand coup. Et à nouveau, je ne peux que saluer le jeu tout en retenue de Gabriel Arcand.
Lucie Laurier et Sophie Desmarais jouent également de manières très crédibles leurs rôles de filles de Gaby. Gilles Renaud pour sa part, est très drôle avec son personnage. Ses répliques savoureuses du gars bourru qui passe ses commentaires à la blague et ne sachant pas comment dire les vraies choses qui le chicote, ajoute une touche humoristique nécessaire au film, pour ne pas sombrer constamment dans les pleurs. Une chance qu’il y a un peu de cet humour pour pallier à tous ces mélodrames.
Ce film est un bel hommage aux fermiers, les résilients, ceux qui restent et persistent. C’est une véritable vocation.
Le démantèlement est distribué au Québec par Les Films Séville, une filiale d’eOne et prend l’affiche dès aujourd’hui, le 15 novembre.
Galerie photos : http://www.flickr.com/photos/infoculturephotos/sets/72157637423844625/
Distribution
Gaby GABRIEL ARCAND
L’ami comptable GILLES RENAUD
Marie LUCIE LAURIER
Frédérique SOPHIE DESMARAIS
Françoise JOHANNE-MARIE TREMBLAY
La voisine DOMINIQUE LEDUC
Le petit Bouchard GABRIEL TREMBLAY
Homme du refuge MARC-ANTOINE BÉLIVEAU
Léo Simard NORMAND CARRIÈRE
Encanteur CLAUDE DESJARDINS
Préposé au foyer PIERRE-LUC BRILLANT
Concierge MICHEL DAIGLE
Équipe technique
Réalisateur, scénariste SÉBASTIEN PILOTE
Producteurs BERNADETTE PAYEUR et MARC DAIGLE
Producteur associé ROBERT LACERTE
Directrice de production SYLVIE DE GRANDPRÉ
Directeur de la photographie MICHEL LA VEAUX
Directeur artistique MARIO HERVIEUX
Musique originale SERGE NAKAUCHI-PELLETIER
Son GILLES CORBEIL, OLIVIER CALVERT, STÉPHANE BERGERON
Créatrice des costumes SOPHIE LEFEBVRE
Montage STÉPHANE LAFLEUR
Directrice de la postproduction CHANTAL MARCOTTE
STUDIO DE PRODUCTION
Corporation ACPAV Inc.
DISTRIBUTEUR AU QUÉBEC
Les Films Séville
Durée : 111 minutes
Crédit photos de la galerie photos : Lise Breton
Autre crédit photos : Courtoisie