« Act of God », ou du constat que Dieu n’apporte pas que du bon

Act of God © Nicola-Frank Vachon
Act of God © Nicola-Frank Vachon

Un biologiste et une analyste financière, un photojournaliste et une professeure de physique, deux jeunes couples sans histoire, reliés par un lien familial et qui se fréquentent comme de très bons amis. Un agent d’assurance célibataire, bon vivant, et qui complète le petit cercle. Le tout forme un ensemble de cinq adultes reliés, soudain, par une catastrophe, un accident terrible qui les concerne tous à différents niveaux, et qu’ils trainent sur une période de plus de quatorze ans, et qui n’a sans doute pas fini de produire des séquelles dramatiques…

À sa soutenance de thèse, le biologiste explique aux membres de son jury que la forêt fonctionne comme un organisme vivant où tous les sujets sont interconnectés. Si l’un d’entre eux est coupé, les autres s’arrangent toujours pour permettre à l’arbre de reprendre vie.

Mais les humains ne sont pas des arbres. La mort est définitive chez eux. Et les accidents, les catastrophes, les négligences involontaires, les malchances de la vie suscitent de multiples réactions : de colère, de culpabilité, de découragement, de tristesse, de désir de réparation aussi, mais souvent au détriment de ceux qui sont vivants et qui ont besoin d’attention.

À 14 ans, Clara est en pleine crise d’adolescence (« la guerre de 14-18 » comme la nomme avec humour son parrain). Comme parfois les ados, Clara a besoin d’émotions fortes, d’histoires effrayantes, d’expériences qui lui permettent de frôler la mort pour se sentir vivre au moins un peu. Est-ce l’absence de sa mère qui rend Clara si difficile? Ou la maladresse de son père qui semble plus passionné par ses champignons que par elle?

La pièce signée Marie-Josée Bastien et Michel Nadeau tricote le récit de ces six personnages principaux de manière très adroite, avec de multiples allers et retours, des changements de scènes et d’époques, des acteurs qui courent partout sur scène et jouent d’autres rôles que ceux qui leur sont normalement assignés pour remplir les nombreux seconds rôles. Cela déroute un peu le spectateur jusqu’à qu’il comprenne le vrai nœud dramatique, la catastrophe initiale qui entraîne toutes les autres. La jeune Clara (magnifiquement interprétée par Maud de Palma-Duquet), ne devrait pas être concernée par l’accident survenu avant même qu’elle ait vu le jour. C’est sur elle qu’est focalisée l’intrigue, elle qui encaisse, à son insu, les conséquences de la tragédie originaire.

Act of God © Nicola-Frank Vachon
Act of God © Nicola-Frank Vachon

Les sept acteurs de la pièce sont tous remarquables. Pendant près de deux heures sans entracte, ils vont et viennent sur scène, dans un décor minimal mais aux multiples possibilités. On rit parfois, mais assez peu. On s’interroge souvent. On essaye de comprendre les dessous du problème, le non-dit qui hurle silencieusement dans la tête de Clara. Le spectateur est tenu en haleine jusqu’au bout, quand finalement il comprend l’horreur, l’impasse, la tragédie du quotidien. Pendant qu’ailleurs, sur d’autres scènes, se jouent d’autres drames également, mais qu’on observe de plus loin, à distance.

Act of God, de et mis en scène par Marie-Josée Bastien et Michel Nadeau

Production TNP

Avec Caroline B. Boudreau, Charles-Étienne Beaulne, Danièle Belley, Maud de Palma-Duquet, Jean-Michel Déry, Véronika Makdissi-Warren, Réjean Vallée

Durée 1h55

Act of God, du 24 janvier au 11 février 2017, au théâtre Prospero à Montréal

Informations : http://theatreprospero.com/spectacle/act-of-god/