Quand un artiste s’approprie le thème des deux amoureux de Vérone, il est presque assuré que son œuvre sera touchante. Shakespeare, inspiré par d’autres avant lui, a raconté une histoire qui ne cessera jamais de résonner dans nos cœurs et dans nos esprits. Il n’y est pas seulement question du thème des premiers émois sensuels de l’adolescence. Le Roméo et Juliette de Shakespeare nous parle non seulement de l’amour, mais de ce qu’une longue tradition de récits et de rituels a donné parfois aux humains à comprendre de leur vie, de leurs rêves nocturnes et de ce qu’est la mort.
Sur le livret, en français de Jules Barbier et Michel Carré, inspiré de Shakespeare, Charles Gounod crée l’opéra en cinq actes, Roméo et Juliette, qu’il présente pour la première fois à Paris en 1867. C’est l’un des plus grands succès de l’opéra français.
Très fidèle au récit initial, mais avec les adaptations indispensables à l’art de l’opéra, les scènes aux dialogues chantés s’enrichissent des douces mélodies du grand compositeur. Gounod crée de nombreux duos chantés, plusieurs solos et inclut des chœurs qui rendent l’œuvre variée dans sa forme et particulièrement émouvante, avec une progression qui va de la joie et de l’insouciance de la jeunesse dans l’ambiance festive du premier acte, au tragique des malentendus et de la disparition finale des deux amoureux à la fin.
Roméo et Juliette est une tragédie de l’amour. C’est au cours d’une fête de carnaval que Roméo, un Montaigu, s’introduit indument dans l’univers de Juliette, une Capulet. L’amour qu’il ne faut est l’amour qui ne faut (du verbe faillir) aurait dit Lacan. Roméo et Juliette sont immédiatement touchés par cet amour qui va causer leur perte. Il y aura d’autres victimes entre-temps, Mercutio l’ami de Roméo et Tybalt le cousin de Juliette.
Pour cette version du Roméo et Juliette de Gounod à l’Opéra de Montréal, le public est particulièrement gâté. Il peut bien sûr méditer sur les si nombreuses interprétations possibles du récit inspiré de Shakespeare, mais surtout apprécier les magnifiques chanteurs qui se font aussi acteurs, les chœurs superbes, les décors changeants et très réussis, les costumes raffinés et toute une scénographie qui joue des éclairages et des harmonies de couleur pour offrir des tableaux aussi agréables pour la vue que pour l’ouïe.
L’action se situe à Vérone en Italie au XVe siècle et les scènes sont le plus souvent nocturnes. De la fête qui réunit la foule masquée et joyeuse du début au tombeau lugubre de la fin en passant par la scène du balcon dans un jardin exubérant à l’italienne, celle de la place de Vérone où les jeunes gens s’adonnent à des duels dangereux, et plusieurs autres, les décors se métamorphosent astucieusement et l’action évolue sur cette splendide musique que Gounod a créé. Il est un maître des mélodies douces et tristes quand l’action s’y prête, et les deux chanteurs principaux que sont la soprano Marie-Eve Munger dans le rôle de Juliette et le ténor Ismael Jordi dans celui de Roméo lui font vraiment honneur. J’ai également apprécié la voix chaude et profonde d’Alain Coulombe dans le rôle de Frère Laurent, les chœurs de l’Opéra de Montréal et tous les autres rôles qui sont irréprochables.
L’Opéra de Montréal conclut en beauté sa saison avec ce Roméo et Juliette excellement mis en scène par Tom Diamond, dont la musique n’est pas difficile d’accès et qui plaira assurément à tous les publics.
Roméo et Juliette, du 19 au 26 mai 2018, à la salle Wilfried Pelletier de la Place des Arts de Montréal
Roméo et Juliette de Charles Gounod
Mise en scène Tom Diamond
Décors Claude Girard
Costumes Opéra de Montréal
Orchestre Métropolitain
Chef d’orchestre Giuliano Carella
Chœur de l’Opéra de Montréal
Production : Opéra de Montréal
Avec Ismael Jordi, Marie-Eve Munger, Hugo Laporte, Katie Miller, Alexandra Beley, Alexandre Sylvestre, Scott Brooks, Alain Coulombe, Sebastian Haboczki, Max Van Wyck, Rocco Rupolo, Nathan Keoughan
Informations : http://www.operademontreal.com/programmation/romeo-et-juliette
